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The Hobbit bis repetita placent

vendredi 11 janvier 2013, par Grégory Joulin

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Comme tout le monde, je suis allé voir « The Hobbit » et durant la projection, un étrange phénomène a commencé a se produire dans la salle. De plus en plus fréquemment, de minuscules lueurs fantomatiques apparaissaient dans la pénombre pour s’évanouir presque aussitôt. Au début peu concerné, je finis par m’intéresser à la chose et tentai d’en définir la cause.

Effet imprévu de l’anamorphose 3D due aux lunettes spéciales qui distordent l’image tout en l’assombrissant, sans que cela ne choque personne d’ailleurs ? Sans doute pas.
Ma propre myopie engendrée par les sous-titres car j’avais commis la folie d’aller contempler ce spectacle de 170 minutes en version originale sous-titrée ET en 3D, choix que je ne recommande à personne ? Peut-être.
Ou alors facétie des effets spéciaux en relief pour surprendre un public toujours plus exigeant, toujours plus blasé ? Pourquoi pas ?

En fait, la solution était bien plus simple et vous l’aviez certainement devinée : il s’agissait de l’écran luminescent d’une multitude de smartphones que les gens consultaient régulièrement pour s’enquérir du temps qu’il restait avant la fin du film.

Cela reviendrait-il à écrire que certains spectateurs ressentaient une forme d’ennui durant un métrage lié de façon explicite à la célèbre et immensément populaire trilogie réalisée par Peter Jackson, « Le Seigneur des Anneaux » ? Cela semblerait hautement paradoxal : ne serait-ce pas les mêmes qui, rentrés chez eux, se hâteraient d’écrire sur AlloCiné que « The Hobbit » est une « tuerie » ?

Que de questions... autour d’un premier opus fort attendu qui, moins habité que la trilogie précitée et pourtant plus parachevé que les blockbusters actuels, n’offre rien d’autre que ce qui était annoncé depuis au moins un an : du Hobbit joufflu, des visages connus, des monstres CGI grimaçants, des décors à profusion, un montage épileptique, des gags lourdauds, du Gollum redondant, Gandalf en fréquent deus ex-machina, pour au final obtenir une œuvre quasi récursive, en permanente et dangereuse auto-citation, sans véritable enjeu, et où aucun personnage ne meurt.

Alors... où est le problème ? Pourquoi ces lueurs dans l’obscurité ?
Si problème il y a, à mon sens il est double.

Inévitablement, l’attrait de la nouveauté a disparu et, plus dommage, les belles expérimentations si sensationnelles comme le Balrog n’ont plus voix au chapitre, peut-être à cause du départ d’une partie de l’équipe, ou de l’arrivée de Warner/MGM dans la boucle aux côtés de New Line Cinema, studios réputés moins audacieux que le turbulent rejeton des eighties. Rendez-vous lors de la « Désolation de Smaug » pour confirmer.
Mais ce n’est pas tout : l’attrait des retrouvailles a également disparu ! Gandalf, Frodon, Saroumane, ils sont (presque) tous là… Ces personnages de la première trilogie qui nous suivent chaque jour de chaque mois de chaque année depuis que nous avons fait connaissance avec eux nous donnent l’impression de retrouver des potes vus le week-end précédent ! Que se passe-t-il ?
Osons un parallèle facile : quand les trois épisodes originaux de « Star Wars » ont été offerts au public à six ans d’intervalle, une des plus belles joies était de revoir nos héros avec un peu plus de bouteille que dans l’épisode précédent : le jeune Luke Skywalker idéaliste des débuts devenait un Luke en proie au doute pour finir en Luke déterminé et aguerri, prêt à affronter son géniteur. Entre chaque opus s’écoulaient trois longues années, et pas de web ou de vidéo individuelle, vidéo à l’époque réservée aux nantis, pour venir ressasser nos souvenirs à l’envi. L’attente générait le désir, et partant la joie de retrouver ces personnages, pour des spectateurs qui avaient eux-mêmes changé, évolué.
En 2013, grâce au marché, à la technologie et l’avènement de la culture geek pétrie d’ironie et de second degré, les films nous suivent, se répondent, se parlent, sont interconnectés. Le maillage est permanent, les clins d’œil obligatoires et accessibles à tous, plus seulement aux initiés. Les citations de la première trilogie sont légion dans « The Hobbit », et les délicates références implicites voulues par Tolkien ont ici le diamètre de câbles d’acier. N’est-il pas aberrant qu’un prequel, une histoire se déroulant avant un film à succès, cite à outrance ledit film pour flatter son public ? Le syndrome George Lucas ferait-il des émules en Nouvelle-Zélande ?
Ce que le critique de cinéma Rafik Djoumi appelle la « Revanche des Geeks », ce phénomène des films-catalogues, véritables poupées russes sur pellicule blindées de références évidentes, va-t-il commencer à régner ? Peut-être pas... Rappelons-nous : au début des années 2000 a vu le jour une pléthore d’œuvres avec fin inattendue, basées sur le modèle dual « Usual Suspects » / « Sixième Sens », engendrant alors une inévitable baisse qualitative, jusqu’à la lassitude du public. Le célèbre procédé du « twist » final est désormais devenu un gimmick paresseux, un pet de scénariste.
Espérons que cette folie des super-productions sans audace suivra le même chemin.

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