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Starfix, idole d’une génération

mercredi 26 décembre 2012, par Grégory Joulin

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Les années 80 : un sinistre revival pillé par des producteurs rapaces et accouplé à la fascination avide d’une jeune génération accédant à la consommation et attirée par sa propre décennie de naissance… Les vieux pots servent de nouveau, la faute sans doute à une imagination exsangue.
Mais bien loin de cette gangrène se cache un nom qui ne veut toujours pas dire grand-chose mais qui pourtant claquait : Starfix !
Oh, pas un produit de nettoyage, ni une marque de décalcomanies… une revue de cinéma ! Et pas n’importe laquelle : le mensuel culte des adolescents et jeunes adultes, le berceau de cinéastes comme Christophe Gans ou Nicolas Boukhrief, l’ancêtre de Nanarland en la personne de Robert Paimboeuf, le creuset de la nouvelle critique cinématographique, plus rapide, plus directe, plus rock’n’roll, moins subjective… Tout ça, et bien d’autres choses sûrement.
Pour comprendre ce qu’était cette revue, il faut revenir à une autre époque, celle des pubs pour cigarettes au dos des magazines, avec le skyline de Manhattan en fond et les magnifiques tours jumelles se découpant devant un coucher de soleil ensanglanté. Pas de Web, pas de connectivité, pas de réseaux sociaux, et une immense partie de la jeunesse française habitant des zones provinciales enclavées, avec pour rêver un Disney tous les deux ans, un Spielberg tous les trente-six du mois, et la chanson de geste Star Wars embourbée chez les Ewoks.
Il fallait bien se cramponner si on aimait autre chose que le foot et le Collaro Show. Heureusement, chaque mois surgissait Starfix. Un édito pleine bourre, qui crache sa rage, lance ses bravades ! Des photos en couleur en veux-tu en voilà ! Des entretiens passionnants, sans langue de bois, matrice des conversations futures dans le mensuel Brazil, disparu au champ d’honneur lui aussi. Du De Palma, du Friedkin (bon Dieu, cette analyse de la poursuite de voitures dans Police Fédérale L.A. !), du Caro et du Jeunet, du Raimi, du Don Bluth ! Du Cameron ! Les premiers clips vidéos ambitieux, Peter Gabriel, Rita Mitsouko… Les injures contre la 5 et ses coupures pubs pendant les films… Des plantades magnifiques également, comme la baudruche La lune dans le caniveau ou Staying alive de Stallone en couverture ! Stallone… cette interview hallucinante du Sly se vantant de lire le Gödel, Escher, Bach : Les Brins d’une Guirlande Éternelle ! Du collector, du pur sucre, de l’avant-garde !
Ne parlons pas de ces mastodontes lourdauds poussés dans le vide, tous les Besson, Tavernier, Lautner, Lelouch, Boisset… Et cette intense histoire d’amour/haine avec Cannes, chaque année recommencée, hurlée !
Tous les mois se dessinait une galaxie de papier, un univers plat pour des lecteurs qui n’osaient pas se définir cinéphiles ou cinéphages, encore moins geek ou otaku, juste une porte vers une dimension inconnue en province (la majorité des titres ne sortant qu’à Paris) pour permettre d’oublier chaque mois la vie dans un foyer sans amour, le manque de distraction, les après-midi pluvieux, le conformisme, l’ennui, le gris.
On aimerait, grâce à une étrange machine à remonter le temps, lire à posteriori les articles de Starfix sur L’Impasse, Matrix, Avatar… Ces mecs avaient déjà analysé en profondeur la déconfiture artistique des duettistes Spielberg/Lucas, l’établissement de la HD, l’arrivée inévitable du support numérique chapitré, le DVD, et ses risques intrinsèques (renouvellement ad nauseam du média, surenchères, piratage…). Starfix, c’était les yeux ouverts et les poings serrés. Il en faut.
Bien sûr, ils n’ont peut-être pas su anticiper l’avènement de la créativité sur petit écran, toujours plus ou moins considéré comme « l’ennemi » héréditaire du grand… On leur pardonne, la lucarne domestique demeurant encore aujourd’hui davantage source d’engeance que de pépites.
De sublimes envolées à chaque numéro et un joli succès mais à la fin des années 80, les formules se succèdent de plus en plus vite, la contre-culture se mettant aussi à vendre ailleurs, récupérée par d’autres supports opportunistes. Si le cœur y est toujours, une partie de l’équipe s’en va et le gouffre financier se creuse.
Alors, un triste jour de janvier 1991… L’ultime numéro, comme un étrange spectre noir et rouge orné d’un visage blafard, celui du petit acteur russe de Requiem pour un massacre. Un bel adieu aux fans qui ne dit pas son nom. À l’intérieur : exclusivement des interviews de cinéastes ayant marqué l’équipe. En dernière page : Alex McArthur dans Rampage, s’aspergeant du sang d’une de ses victimes. La révérence qui tue, la classe totale. Et le tomber de rideau, juste derrière, inévitable. J’y étais : ça fait mal.
Les années 90 n’avaient plus qu’à exister.

1 Message

  • Starfix, idole d’une génération Le 10 janvier 2013 à 21:01, par Le DC

    Faudrait que j’écrive quelque chose sur TILT et Hebdogiciel pour te faire concurrence. Je n’ai pas eu le bonheur de connaitre Starfix, encore moins Metal Hurlant... Y’en a qui ont eu de la chance !

    Répondre à ce message

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