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Steve McQueen et Le Mans

jeudi 26 mars 2015, par Grégory Joulin

Derrière le film « Le Mans » se tient Steve McQueen et en ce printemps 1970, alors que le métrage commence à être élaboré dans la campagne sarthoise, Steve McQueen est certainement la plus grande star en activité à Hollywood, alignant à son palmarès des classiques comme « Bullitt », « L’Affaire Thomas Crown » et « La Canonnière du Yang-Tsé », parmi d’autres joyaux cinématographiques d’un calibre que Brad Pitt ou George Clooney rêveront en vain, leur vie durant, d’ajouter à leur propre tableau de chasse.

La production et le studio Cinema Center allongeaient le blé mais McQueen, lui, détenait le pouvoir… ainsi qu’une très personnelle déclaration à faire au monde entier : en tant que grand passionné de courses automobiles et plutôt honorable pilote lui-même, il souhaitait bâtir un film au contenu le plus réaliste, le plus terre à terre possible ; une sorte de témoignage sur l’essentiel travail collectif au sein d’une écurie de course et sur les difficultés rencontrées lors de l’épreuve, la fatigue, le danger, les montées d’adrénaline, la vitesse ressentie comme les effets d’une drogue, et cette singulière sensation, surtout chez les pilotes, que tous les aspects triviaux de l’existence sont effacés, mis entre parenthèses, pour laisser la place à… autre chose, quelque chose d’indéfinissable : un épisode de luminosité, de pureté. La vie, tout simplement.

Certains tenteront d’interférer avec cette vision : la production grondera contre le script inexistant, le premier metteur en scène (le prestigieux John « La Grande Evasion » Sturges) jettera l’éponge, le faiseur Lee H. Katzin, engagé parce que rapide car issu des plateaux de télévision, débarquera de L.A. en catastrophe pour reprendre le projet, engendrant la méfiance de la star… qui, elle, ne bougera pas d’un iota. Pas question de faire demi-tour pour rentrer au stand quand la course est lancée.

Et où, à quel endroit, la plus grande vedette de cinéma de l’époque pouvait-elle s’établir pour construire son Xanadu, tourner son « Citizen Kane » ailleurs qu’à Le Mans, pendant la plus célèbre et ardue course du monde, les légendaires 24-heures ? Alors en route pour trois mois, avec tournage en double (d’abord la véritable course avec les véritables équipes, puis les scènes « dramatisées » avec acteurs, figurants, cascadeurs…) et un lot d’incroyables anecdotes : un pilote dut être amputé d’une jambe suite à un crash, McQueen faillit y rester après une collision, vol et sabotage de matériel furent à déplorer, ainsi qu’une grève des figurants…

Pour finalement voir se dessiner une œuvre étrange, unique, une sorte de carrefour atypique, au beau milieu d’une France qui n’existe plus, entre un documentaire, un film expérimental et un film d’action. Par un évident geste de bonne volonté, McQueen daignera calmer la production en autorisant un timide début de romance suggérée entre son personnage, le calme et entêté Michael Delaney, et la douce veuve d’un pilote d’une autre écurie décédé un an auparavant. Désarçonnant le public potentiel, il fera couper court dans le scénario aux habituelles menaces, rivalités machistes, méchants et autres redondances ennuyeuses, pour focaliser le propos sur la course, rien que la course. Cette Egrégore d’un genre nouveau est la véritable héroïne du film, une sorte de monstre aimant ses adorateurs au point de leur offrir une transcendance à haute vitesse… mais également capable de les briser à jamais, comme le montrent deux accidents sur le circuit parmi les plus impressionnants jamais filmés, parce que sonnant « vrais ».

Ça passe ou ça casse… Malgré le charisme évident de Steve McQueen, un score prestigieux composé par Michel Legrand, et des scènes de caméras embarquées tout simplement extraordinaires, même selon les standards actuels (et davantage magnifiées encore par le blu ray sorti l’an dernier), le film ne sera pas le succès attendu au box-office, et se retrouvera même comparé au très surestimé « Grand Prix », dont McQueen avait également acquis les droits avant que Warner Bros ne mette son véto.

Le prix à payer pour vivre sa passion, peut-être… "When you’re racing, it’s life. Anything that happens before or after is just waiting" exprime Michael Delaney lors de l’un de ses curieux échanges avec la jeune veuve du pilote italien disparu. La course, c’est la vie, et tout ce qui pourrait se dérouler avant ou après n’est qu’une simple attente.

Une belle épitaphe pour Steve McQueen, l’idole foudroyée par un cancer à cinquante ans, et dont l’image d’éternelle jeunesse brille maintenant à jamais dans un halo immaculé.

2 Messages

  • Steve McQueen et Le Mans Le 15 décembre 2012 à 16:37, par Le DC

    Jamais vu ! Ça a l’air d’être un ovni enfanté dans la douleur, ce film ! Ce qui me laisse pleins de questions, dont la première serait, évidemment : Peut-on enfanter des ovnis ?

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  • Steve McQueen et Le Mans Le 16 décembre 2012 à 17:22, par G

    C’est le film culte dans toute sa splendeur, bien avant que cette expression galvaudée ne soit vidée de son sens ! La musique est top !

    Répondre à ce message

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