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Journal du bout du monde n°13

samedi 3 novembre 2007, par Bertrand

Paea, le 02 janvier 2006

Joyeux Noël et surtout une année 2006 du tonnerre,

Au sommaire, pour commencer l’année sur les chapeaux de roue, le temps, un requin océanique, le Rotaract, les bonbons et une cousine !

Début novembre commence pour la Polynésie ce que nous appelons la saison des pluies, c’est-à-dire l’été austral. Cela va durer jusqu’en avril et c’est la période pendant laquelle il peut y avoir des cyclones. Et effectivement il y en a déjà eu 3, mais qui sont tous passés à plusieurs milliers de kilomètres d’ici, dans l’ouest du Pacifique Sud, près des îles Cook. Etre en période chaude, cela veut dire que les températures sont plus élevées de quelques degrés ; nous avons invariablement 25 degrés la nuit et 31 le jour. De plus, mis bout à bout, nous avons du avoir 2 semaines de pluie en 2 mois. Pas de quoi fouetter un chat, sauf quand la pluie tombe le week-end, et qu’il faille augmenter la vitesse du ventilo la nuit, car il fait chaud, très chaud. L’avantage, c’est que tout pousse beaucoup plus vite, certaines plantes prennent 20 centimètres dans la nuit. Si l’on cumule des plantes qui poussent tout le temps, un ciel qui reste bleu et des températures qui, d’une saison à l’autre, perdent ou gagnent 2, voir 3 degrés, on ne sait plus quand on est ! Il n’y a pas de repères, le temps passe, c’est tout. On a l’impression d’être en dehors du monde, à l’écart des grandes voies commerciales, loin de « l’actualité », seuls sur une petite île à tâcher de gagner sa vie, tomber amoureux, aider les plus démunis et faire la fête !

2 ans déjà que je ne suis pas rentré, soit beaucoup de jours de soleil, de baignades dans le lagon, de soirées, sorties, ballades et du boulot.
Parmi les événements marquants pour moi en cette fin d’année, il y a tout d’abord ce qui a fallu être les dents de la mer V ! Pour la deuxième année consécutive, le Rotary Club de Papeete organisait à la mi novembre la traversé à la nage du chenal entre Tahiti et Moorea : 18 Km, 1 500 mètres de profondeur et 6 heures de nage prévues. Nous étions comme l’année précédente bien encadrés par les bateaux des pompiers, de la sécurité civile et des gendarmes. En tout, 7 ou 8 bateaux et 3 médecins prêts à nous porter secours en cas de malaise. Nous étions une trentaine de nageurs, dont 4 partis pour nager la totalité, soit les 6 heures. Je rappelle que le but de l’événement était d’être médiatisé afin de lever des fonds pour lutter contre le diabète et l’obésité. C’est dans ce même but que des équipes de nageurs venus d’entreprises se sont joints à nous : gendarmes, EDT (Electricité de Tahiti), la Brasserie de Tahiti, etc. En tout nous étions donc une trentaine mais nous ne pouvions être que 12 maximums en même temps dans l’eau, pour des raisons de sécurité.
Cette fois, j’étais parti pour nager un tiers de la distance, voir la moitié, mais pas plus. Le problème dans ce genre de challenge, c’est qu’il faut s’entraîner, s’entraîner beaucoup, s’entraîner toujours… ce sont des heures à nager, la tête vide, à éviter de se faire mordre par des balistes pendant la saisons des amours quand nous passons au-dessus d’un de leur nid. Ce sont des jolis petits poissons, une dizaine de centimètres de long, de très jolies couleurs bleu jaune beige marron, des toutes petites dents, et surtout beaucoup de hargne quand on les dérange ! Je ne me suis jamais fait « mordre », mais courser oui. C’est amusant tellement cela semble ridicule, David et Goliath. Et puis il faut continuer à nager, encore et toujours.
Pour cette année, mon entraînement avait subi quelques coupes drastiques dans son cotas d’heures, la faute des balistes, la peur de la houle le jour J qui m’avait rendu malade lors de ma première tentative, et surtout le manque de volonté pour m’abrutir pendant 6 heures.
Le jour J, tout le monde se retrouve sur les quais d’une marina, la marina Taina à Punaauia. On enfile nos petites combis, pas contre le froid, car l’eau est à 27-28 degrés, mais pour ne pas couler en cas de malaise ! On se met du monoï (huile de coco parfumée à la fleure de tiare) dans les zones de frottement, de la crème solaire, et on embraque tous sur les bateaux qui nous emmènent au bord de la barrière de corail, côté océan, devant l’aéroport. C’est de là que commence la traversée, afin d’éviter les quelques kilomètres supplémentaires à faire si nous avions à partir de la passe la plus proche. J’ai en tête de faire la moitié du trajet. Le départ est lancé, on nage à douze dans un rayon de 50 mètres, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible (de toute façon, cette fois j’ai pris un cachet contre le mal de mer). Après une demie heure, mon binôme sort de l’eau. Nous avions prévu de couvrir la totalité de la distance à deux, en se partageant une moitié chacun, même si nous nous étions mis à l’eau tous les 2 dès le départ. Malheureusement il a été victime d’un élan incontrôlé de son estomac à vouloir nourrir les poissons.
Je nage toujours, l’eau est bonne et la houle est faible. Après 2 heures et 3 pauses pour s’abreuver en eau douce, le capitaine du bateau de tête nous dit que nous avons fait la moitié du chemin, en 2 heures seulement ! Je décide donc de continuer.
2 heures et 4 pauses boissons plus tard, je nage toujours, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible. Par contre le courant, porteur jusqu’alors, s’est inversé, nous avons avancé, mais il nous reste encore 2 heures de nage, soit 6 au total. Et puis, toujours d’après le capitaine, il parait que 2 requins nous ont suivi, un marteau qui n’est pas resté très longtemps, et un autre, inconnu, qui nous suit toujours. Histoire d’en avoir le cœur net, je plonge la tête sous l’eau et que vois-je, dans le mile Emile, un requin océanique qui vient droit sur nous ! Notre petit groupe s’agglutine dans l’instant, une grappe d’humains au milieu du néant, 12 grains de riz flottant dans une baignoire sans fond. Bref, la bête n’est pas très grande, 2 mètres, et elle a le bout des nageoires blanc. Il faut savoir que quand on fait de la plongée en Polynésie, on le fait souvent au milieu des requins de récif, qui ont eux aussi des bouts d’ailerons blancs, ou noirs, et que ce ne sont pour nous que des gros poissons. Mais là, le requin ne tourne pas autour de nous, il fonce sur nous. On fait du bruit, on tente de lui faire peur, mais il revient toujours, droit sur nous. Abrutis par 4 heures de nage, on ne pense pas beaucoup, on regarde, fascinés, curieux de voir une nouvelle espèces que l’on ne voit jamais en plongée. J’ai appris plus tard que c’était un requin océanique, qui monte des profondeurs pour manger, et qu’il faut éviter de croiser son chemin. Mais revenons en à notre grappe. Face à un requin qui veut manger, que fait-on ? On aurait pu sacrifier quelqu’un mais qui ? C’est alors qu’un membre du Rotary, pêcheur de métier et présent sur le bateau de tête, se jette à l’eau avec une gaffe à la main et fonce sur le requin pour le faire fuir. Je pense que le requin n’a pas compris, ou qu’il avait très faim, car il n’a pas fui et poursuivait son incessant aller-retour entre « je recule de 10 mètres, car tu me fais peur » et « je te fonce dessus pour te bouffer ». Voyant cela, le pêcheur nous demande de tous remonter au plus vite sur les bateaux. Le requin ne voulait pas jouer. On s’est donc retrouvé à 15 sur 2 zodiacs, avant de monter sur des bateaux plus grands.
Le capitaine décide alors de naviguer 300 mètres et de voir si le requin nous suit toujours. 300 mètres plus loin, pas de requin en vue. Il faut quelques volontaires pour nager un peu, histoire de voir s’il va revenir. Je saute à l’eau, ma sœur aussi, ainsi que 2 autres inconscients. Nous nageons épaules contre épaules, la peur au ventre, et puis je suis peu à peu distancé, les 3 autres nagent plus vite que moi et ne veulent pas traîner. Bientôt 15 mètres me séparent d’eux, la distance s’accroît, j’ai peur, et surtout je me fatigue, ce qui m’embête, car je veux pouvoir terminer la traversée. Je pousse donc un coup de gueule, je rejoins les autres, et toujours pas requin à l’horizon. Le reste des nageurs se mettent alors à l’eau. Et puis on continue, l’abrutissement revient, je nage toujours, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible.
Je terminerai les 2 heures qui restent, exténué. Il me faudra 48 heures pour me remettre de l’effort et un peu plus pour perdre l’effet planant qui accompagne tout effort important.
Voilà en quelques lignes l’histoire d’une traversée. Merci au requin pour sa participation, il nous a permis d’égayer notre challenge et de passer pour des fous. Encore parfois il m’arrive de rêver que je nage toujours, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible.

Le 23 décembre dernier, notre Club Rotaract a décidé d’aider une association de quartier à organiser un noël pour leurs enfants. Il s’agit de l’association Hiti Mahana du quartier Hiti Mahana, à Mahina. Ils sont 47 ou 48 familles pour 160 enfants et vivent dans un quartier « précaire », car en attente de relogement depuis 10 ans. Leurs ressources principales doivent être les aides sociales et surtout la pêche. Leur zone d’habitation est très exiguë, et vu le nombre d’enfants, on a presque l’impression d’être dans une cours d’école. Par contre, ce qui est remarquable, c’est que les gens du quartier organisent leur vie ensemble, s’auto gèrent, font attention à leurs enfants et sont très dignes.
A côté de leur zone d’habitation, il y a un terrain municipal, un parc avec quelques arbres, cis au bord d’une plage de sable noir, face à un motu, haut lieu de Tahiti pour faire du kite surf (surf tracté par un cerf volant). C’est sur ce terrain que la journée de Noël a été organisée. Nous sommes venu avec 2 manèges ; un bateau qui pivote autour d’un axe fixé à 3-4 mètres du sol, et un carrousel composé de petites nacelles qui montent et descendent en tournant autour d’un axe central. Il y a aussi eu un atelier de confection de guirlande pour décorer le sapin, un atelier cerf volant, et un stand de maquillage. Pour le maquillage, nous avons au sein du Club des expertes en maquillage. Par contre, pour ce qui est de faire des cerfs volants, c’est tout sauf simple, principalement quand il faut les faire voler, que l’enfant court, court toujours, court encore, et que le beau cerf volant que je me suis acharné à faire avec le gamin ne s’envole pas ! On a aussi fait venir le père Noël en pirogue, acclamé par les enfants époumonant des chansons de Noël au bord du lagon, turquoise évidement ! Ensuite chacun a reçu un cadeau selon son âge, puis un groupe de danseurs marquisien est venu faire son aka, et les enfants nous ont remercié en nous donnant un spectacle de danse fait par eux.
Noël cette année était donc réussi, car plein de sourires d’enfants, et avec le sentiment d’avoir fait une bonne action. Il fallait les voir sur les manèges, surtout les plus jeunes quand ils faisaient monter les nacelles pour la première fois. Il y avait sur leurs visages à la fois de la peur, de l’excitation et beaucoup de joie.

Je nage toujours, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible et j’écoute Raphaël. En fait je suis au boulot, mais je plane encore du week-end qui a été très arrosé et fêté comme il se doit, ou presque, mais je compte la revoir. Je suis au boulot donc, une entreprise qui importe bonbons et biscuits d’Europe, du Brésil et de Turquie. On les vend ensuite à Tahiti et dans les îles. C’est un travail comme un autre, pas particulièrement excitant, juste du travail. Je cogère la boîte. Dans les mois qui viennent, 2 options ; je rachète autre chose, ou on fait croître Candyland et je rentre dans le capital. Croissance interne, croissance externe, ce qui compte c’est qu’en 2006 je bosse enfin pour moi !
Ce qui est marrant avec les bonbons, c’est qu’il y a des modes, suivant les dessins animés, les filmes qui sortent, etc. Il faut donc venir régulièrement avec des choses nouvelles, toutes sortes de gadgets, de goûts, de couleurs et de formes abracadabrantes.

Avant-hier soir, 11 heures après l’Europe, les 12 coups de minuits ont sonné à Tahiti. J’étais entouré d’une trentaine de personnes, un tiers d’amis et le reste de nouvelles têtes, principalement des internes à l’hôpital. Bonne ambiance, bonne musique, bonne nourriture, une grande maison avec un grand jardin au bord du lagon, encore lui. Je discute avec une fille, une jolie blonde, accompagnée, mon accent l’intéresse, sa plastique me fascine. Il se trouve que ses parents sont Belges et que ses grands-parents viennent de Vencimont, un petit village non loin de mon village familial. J’ai donc rencontré une peut-être cousine… vive la consanguinité ardennaise !
Sinon, pour faire dans le métissage, je me suis rapproché d’une Française, c’était une première pour elle, être en photo dans les bras d’un Belge ! Nous en sommes restés au bras…

On a aussi eu beaucoup de monde chez nous, Sam mon colloque et moi : Axxxx, Ixxxxxxx et en ce moment Cxxxxx ! Il s’agit chaque fois de dépanner quelqu’un, ou plutôt quelqu’une, souvent des amies, parfois aussi des amies d’amis. Axxxx était parfaite, nous lui décerneront prochainement la palme d’or 2005. Pour qu’une fille gagne la palme d’or chez nous, il faut qu’elle soit gaie, souriante, qu’elle nous fasse parfois à manger, un peu le ménage, qu’elle invite des copines à elle, de préférence célibataires, qu’elle n’ait pas envie de parler quand on rentre tard le soir, harassé par une journée de travail, et qu’elle soit jolie ! En contre partie, elle est chez elle chez nous, libre de ses mouvements, on lui fait faire des ballades en montagne, prendre un verre sur la barrière de corail au coucher du soleil, des tours en kayak, etc. On tâche de bien s’en occuper et de transformer notre maison en auberge espagnole le temps qu’il faut. On devient des amis.
Ixxxxxxx pensait beaucoup à elle, et comme on n’aime pas donner quand on ne reçoit rien, elle n’est pas restée longtemps. Elle m’a quand même enlevé un petit kyste au mollet puisqu’elle est dermatologue. Et puis elle nous a finalement remercié le soir du nouvel An. Mais quand même…
Nous avons maintenant Cxxxxx, notre palme d’argent, la future colocataire d’Axxxx. Comme elle est pharmacienne, elle fait le suivie de ma petite opération !

Voilà, rien de bien neuf sous le soleil, du beau temps, du sport, des sorties, des actions caritatives, du boulot, et puis je nage toujours, le rythme est agréable, l’eau est bonne, et la houle est faible.

Bertrand

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